À Poncé-sur-le-Loir, dans le sud Sarthe, Nicolas Pinquier, souffleur de verre, et sa femme Lucille, sont les gérants de la Verrerie d’art des coteaux. Romain Martin, leur élève, vient d’être nommé Meilleur Apprenti de France. Rencontre avec des passionnés, convaincus de leur art, mais aussi soucieux de l’évolution de leur métier.
Nicolas Pinquier et sa femme Lucille sont les gérants de la Verrerie d’art des coteaux à Poncé-sur-le-Loir, dans la Sarthe. Installé depuis six ans, le souffleur de verre se confie sur l’évolution de son métier ; un travail artisanal d’hommes et de femmes qui expriment leur art à travers le façonnage du verre.
Une vraie chorégraphie
Dans son espace de vente, les clients peuvent retrouver toute la palette artistique du souffleur de verre. Coloré, transparent, multicolore, scintillant, le verre, né du sable et du feu, par ses variétés de formes et de couleurs, horloge, bijoux, objets de décoration intérieurs comme extérieurs, arts de la table, animaux… il y a de tout, et pour tous.
L’espace de création de Nicolas Pinquier et de son apprenti se trouve près de toutes ses pièces, directement sous les yeux des clients. On peut les voir travailler dans les conditions réelles et assister à la création de ces objets uniques.
Mais pour le professionnel, la création d’une pièce se pense avant d’allumer le four.
« On ne peut pas se lancer dans la création d’une pièce comme ça. Il faut d’abord la dessiner, la reproduire avec les bonnes dimensions. On doit ensuite avoir tous les outils près de nous et on se lance dans sa confection. C’est finalement comme une chorégraphie qu’on aurait appris par cœur très jeune et perfectionné toute sa vie. On ferme les yeux et on laisse les mains reproduire les gestes, car tout est dans la tête », reprend Nicolas Pinquier.
« Fasciné par le métier »
Nicolas Pinquier a découvert le métier à Poncé-sur-Loir, à l’âge de cinq ans seulement, durant une sortie familiale : « J’ai tout de suite été fasciné par le métier. Pour moi, à ce moment-là, c’était une évidence de devenir souffleur de verre », confie le professionnel. Suivant sa destinée, il a suivi les formations nécessaires pour pouvoir pratiquer ce métier. « Je suis arrivé il y a six ans à Poncé et je me suis lancé à mon compte ».
L’artisan continue : « dans ma famille, on est tous manuel. Chacun a sa matière de prédilection, moi c’est le verre », explique-t-il, sourire aux lèvres.
Souffleur de verre est un métier qui a traversé les époques et a donc dû évoluer avec son temps. Mais pour Nicolas Pinquier, « les méthodes de travail ont toujours été identiques. Ce qui a évolué, ce sont les outils, comme les fours. On a beaucoup plus d’assistance aujourd’hui, et heureusement ! », plaisante-il.
Un métier vieux comme le monde, mais qui demande une certaine pratique, et surtout, un savoir-faire sans faille : « Il faut au moins dix ans pour être autonome dans ce métier. C’est pour ça qu’il est important de former et de laisser la place aux jeunes. Ce que je fais avec Romain », informe le souffleur.
Le meilleur apprenti de France
Lucille et Nicolas Pinquier ne sont donc pas les seuls dans leur chaleureuse verrerie colorée de Poncé. Depuis un certain temps maintenant, ils accueillent et forment Romain Martin, 18ans. Actuellement en apprentissage, il obtiendra l’année prochaine son BMA, Brevet des Métiers de l’Artisanat. « J’ai découvert la verrerie vers l’âge de quatre ou cinq ans, en Alsace. J’ai tout de suite été émerveillé par la beauté du métier », informe le jeune homme.
En effectuant d’abord un stage de 3ème avec Nicolas Pinquier, Romain a ensuite passé un CAP à l’école CERFAV, le Centre Européen de Recherches et Formation aux Arts Verriers, à Vannes-le-Châtel, dans la Meurthe-et-Moselle.
Conscient de ses capacités, il a souhaité passer le prestigieux concours du meilleur apprenti de France :
« C’était un vrai challenge. Ça m’a permis de me situer par rapport au niveau demandé. Ça m’a aussi donné l’envie de progresser, d’aller toujours plus loin ». Romain Martin doit attendre encore un an pour valider son diplôme.
« J’aimerais rester dans la verrerie et plus précisément dans l’artisanat. Mon but est d’avoir ma propre boutique », confie-t-il, ambitieux. « J’ai proposé un CDI à Romain après son école. Je m’investis en lui comme si c’était mon fils. Un jour, il prendra les rênes de cette entreprise », confie le gérant.
« Un métier très fermé »
Aider Romain Martin à découvrir le métier de ses rêves et de l’aider à « se faire un nom » était essentiel pour le souffleur de verre. Car comme il le dit si bien, « c’est un métier très fermé. Ce n’est que depuis 1994 que les femmes peuvent accéder aux formations de souffleur de verre. Il y a une réelle problématique machiste dans le métier ».
Souffleur de verre est un métier qui s’est depuis toujours transmis de père en fils. « Vouloir travailler le verre étant une femme était prohibée, même si son père est souffleur, ou même son frère. Alors si elle n’avait personne dans sa famille, c’était impossible. Mais cette problématique équivaut aussi pour les étrangers », fait remarquer Nicolas Pinquier.
« Personne dans ma famille n’était souffleur de verre, c’était compliqué au début. Mais j’y suis arrivé, et aujourd’hui, ça change un peu. C’est important d’avoir un aspect féminin dans la création des objets. Elles arrivent à faire sortir ce quelque chose que les hommes n’arrivent pas », continue le gérant.
« Il n’y aura peut-être plus de verrerie à l’avenir »
Néanmoins, face à la conjoncture actuelle des événements, l’avenir semble compliqué pour le professionnel.
« Ça peut paraître bête, mais on utilise du gaz et de l’électricité pour nos fours. Les prix augmentent, ceux des matières premières aussi. Et comme tout augmente, on doit revoir les prix de nos produits à la hausse. Et ça, les clients ne le comprennent pas », déplore Nicolas Pinquier.
Souffleur de verre, c’est « toujours se remettre en question ». Gestion de l’entreprise, coût de la pièce, comptabilité, les stocks, les prix des matières premières, la situation économique actuelle… Nicolas Pinquer ne se repose jamais. « Je suis toujours investi et c’est une partie du métier que le client ne comprend pas au premier abord. J’ai mis 15 ans à tout comprendre. C’est un métier qui coûte cher et qui n’est pas assez valorisé. On ne peut plus vendre de petits produits pour 10€ ». Face à cette désillusion, le professionnel semble s’être fait une idée : « il n’y aura probablement plus de verrerie à l’avenir si ça continue comme ça ».
Nicolas Pinquier, visiblement soucieux de l’avenir de son métier, souhaite rester optimiste, estime être chanceux de pouvoir pratiquer le métier de ses rêves, d’être au contact quotidien de sa passion et s’ouvre à de nouvelles perspectives d’avenir.
Extension de l’atelier et ouverture aux entreprises
Ces perspectives d’avenir pour le souffleur de verre se résument à faire connaître davantage son métier. En ce sens, le professionnel souhaite dans un premier temps agrandir son atelier :
« J’ai énormément d’outils et on se marche un peu sur les pieds maintenant que nous sommes deux. Je compte donc agrandir mon espace de travail ». Et pour preuve, la dalle de béton est déjà coulée sur la terrasse du créateur.
Cet agrandissement de son lieu de travail permettrait d’ouvrir son champ d’horizon et de proposer ainsi des portes ouvertes et des nocturnes. « L’idée est tout simplement de faire découvrir mon métier et surtout que les clients se rendent compte de la charge de travail que représente un simple trou dans le verre ou une réparation de leur carafe ».
En plus de cette extension, Nicolas Pinquier souhaite également élargir ses contacts et nouer des relations avec les entreprises. Il explique : « Actuellement, nous avons une commande pour un restaurant gastronomique. Ils veulent présenter sur leur table des carafes avec leur logo dessus. Je vais donc créer la carafe et ma femme s’occupera de la gravure ».
Nicolas Pinquier est convaincu par son art et ses créations, car même face à toutes ses problématiques, pour lui, « être souffleur de verre, c’est plus qu’une passion, c’est une religion ».
Verrerie d’art des coteaux, 27, rue des Coteaux, Poncé-sur-le-Loir, Loir-en-Vallée. Horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h. Le dimanche et jours fériés de 14 à 18 h. Fermé le lundi. Téléphone : 02 43 79 05 69.